mardi 16 avril 2013

Contre les mariages prostitutionnels - Le Baal Violence

Cet article est une partie de "Contre les mariages prostitutionnels".


« Et il adviendra en ce jour-là, oracle du Seigneur, que tu m’appelleras « mon époux », et tu ne m’appelleras plus mon « Baal », mon maître » (Os.2,18).


 
L’argent n’est pas la seule cause de la prostitution. Du point de vue des personnes prostituées, nous constatons que ce n’est jamais par hasard si elles sont prostituées. Une majorité d’entre elles a subi des violences sexuelles dans l’enfance. Pour les autres, souvent nous découvrons dans leur biographie des éléments qui avaient cassé leur estime d’elle-même, avant même d’entrer dans la prostitution, comme ce père qui traitait sa fille de « petite pute ». Les processus qui font entrer dans la prostitution ont tous en commun de tirer profit de la faible estime que se portaient les personnes prostituées. Cette estime de soi est particulièrement attaquée sur la construction de son identité de genre. Ici une jeune femme qui a connue des carences affectives devient facilement la victime d’un amant manipulateur qui la prostitue en utilisant du chantage affectif ; là un jeune homme qui a souffert d’homophobie ne discerne pas qu’il y a une différence entre découvrir son homosexualité et s’abandonner au milieu de la prostitution homosexuelle ; là encore une femme qui a été abusée dans son enfance pense pouvoir faire payer littéralement les hommes alors qu’elle se met en situation de revivre son viol originel… 

Du point de vue des clients prostitueurs, les enquêtes1 montrent que ce sont des hommes qui ne peuvent concevoir des relations égalitaires avec les femmes. Soit ils ont peur des femmes, et payer est la seule manière d’obtenir une relation intime. Soit ils ne veulent pas s’engager envers elles, et payer est la manière obvie d’obtenir des relations sans suite. Soit ils veulent demander « des choses spéciales » qui ne se demandent pas dans une relation respectueuse, c'est-à-dire ils veulent une relation sexuelle violente, souvent directement inspirée de la pornographie. Dans tous les cas, les prostitueurs ne veulent pas de relation réciproque, ils ont un scénario à propos de ce que doit être un rapport intime et l’argent leur permet d’imposer la réalisation de ce scénario.

 Nous voyons donc que de part et d’autre la prostitution existe parce que quelque chose dans le rapport à l’autre genre est faussé. Ce rapport faussé est bien identifié par Osée : Gomer le traite comme un maître. C’est la domination masculine. Le mythe biblique assume l’existence de cette domination, mais la dénonce. Elle n’était pas le mode de relation entre femme et homme à l’origine, elle n’est pas la vocation de l’humanité. Dans le premier récit des commencements, l’humanité est faite homme et femme à la ressemblance divine (Gn 1,27). Dans le deuxième récit des commencements, l’humain, modelé dans de l’argile, est d’abord désigné de manière générique (ha adama). Ce n’est qu’une fois qu’il reçut « une aide qui lui soit assortie » qu’il est désigné par le texte par le nom propre « Adam ». C’est aussi la première fois qu’il se nomme « époux » (‘Ish), pour expliquer pourquoi il avait nommé « épouse » (Ishah) cette autre qu’il rencontrait pour la première fois (Gn 2,23). Certains commentateurs juifs remarquent qu’en hébreux les mots ‘Ish (Aleph-Yod-Shin) et Ishah (Yod-Shin-He) diffèrent d’une lettre chacun. Or ces deux lettres réunies forment un des noms de Dieu, HA, qu’on retrouve dans « HalleluiHA » ou dans plusieurs noms bibliques théophores (dont Jésus – YoshouHA). Comme s’il fallait que la femme et l’homme, épouse et époux, soient ensemble pour pouvoir nommer Dieu.
 
Ainsi les deux récits des commencements qui ouvrent le livre de la Genèse insistent sur la simultanéité de la création de la femme et de l’homme, ils ont été crée dans une égale dignité. L’origine et la vocation de l’humanité sont l’égalité des genres. Jésus retourne à cette origine pour rappeler la vocation du couple humain, et ce faisant il disqualifie la loi mosaïque qui encadre la répudiation (Mt 19, 4-5). Osée veut que Gomer se remémore son origine pour retourner aux sources de l’amour humain (« Je la mettrai nue, je la mettrai comme au jour de sa naissance » (Os 2,5 ) ; « Et là elle répondra comme au temps de sa jeunesse, au jour où elle monta du pays d’Egypte » (Os 2,17) ). Si le mariage chrétien est un sacrement, un signe de l’amour de Dieu pour l’humanité, il doit promouvoir avant tout l’égale dignité des époux, il doit incarner comment l’amour humanise. En conséquence, il me semble que l’attention éthique que doit défendre l’Eglise autour des questions de morales sexuelle doit s’organiser autour de l’égalité des partenaires, du respect réciproque qu’ils se doivent. Récemment l’épiscopat français a publié une déclaration très claire condamnant les violences faites aux femmes2. Seulement il faut reconnaître que la morale catholique a longtemps banalisé les violences conjugales. Des manuels de conseil avant le mariage destinés aux femmes leur enjoignaient encore dans les années 1950 de se soumettre aux appétits sexuels de leur mari, c'est-à-dire leur demandaient de se laisser violer, le fameux devoir conjugal3. Encore aujourd’hui, l’excommunication des divorcé-remarié ne prend pas, à ma connaissance, en compte si un des conjoints a été victime de violence lors de son premier mariage. Le fait est qu’aujourd’hui les violences conjugales sont le problème le plus brûlant qui se pose aux familles. Ces violences sont genrées. C’est le plus souvent l’homme qui commet les actes violents, y compris dans les cas de violences psychologiques. Les associations qui luttent contre ces violences ont tout à fait identifié que les racines de ces violences se trouvent dans des représentations culturelles qui assignent arbitrairement des rôles et des qualités aux différents sexes. L’Eglise doit remplir son rôle dans le combat culturel contre ces représentations culturelles. Avant tout parce qu’elle a longtemps véhiculé des théologies misogynes, sur la base d’exégèses fallacieuses, contraire à l’accueil sans préjugés ni condescendance que Jésus offrit aux femmes de son temps.
Là encore, nous sommes tous Osée et Gomer. Nos couples sont tous traversé par du conflit, que l’on peut être tenté de résoudre dans la violence. Nous rencontrons tous l’autre avec des préjugés sur celui-ci, des préjugés en particulier lié à son genre, mais aussi sur son origine sociale, ethnique ou religieuse. Nous construisons nos relations en fonction de nos modèles, en particulier de nos modèles parentaux, qui peuvent avoir été eux même traversé par de la violence. Il ne s’agit pas de disqualifier tout mariage qui serait confronté à ces enjeux, puisque tous le sont. Il s’agit de bien identifier où se trouve le principal défi pour un couple qui, à l’appel de l’Eglise, souhaite incarner un amour à l’image de l’amour de Dieu pour l’humanité. Il est d’autant plus scandaleux que cet enjeu soit souvent totalement négligé, voire nié. N’y a-t-il pas eu des pères de l’Eglise pour considérer la femme comme valant la moitié d’un homme ? Enfin, si l’Eglise se convertit à la promotion de l’égalité entre homme et femme dans le mariage, il faudra aussi qu’elle fasse vivre cette égalité dans sa hiérarchie et son magistère. S’il faut être femme et homme pour dire Dieu, il faut provoquer et écouter des paroles de femmes sur Dieu, donc qu’il y ait plus de théologiennes. Rappelons-nous aussi que les premiers apôtres de la résurrection du Christ furent des femmes. Déjà alors les hommes ne voulurent pas les écouter, il a fallu qu’ils se convertissent. Prions que l’Esprit souffle encore dans cette direction.
1 ...

2 Les violences envers les femmes - Commission sociale des Evêques de France - Documents d’Eglise - Editions Bayard/Fleurus-Mame/Cerf - Paris, 2003.
3 « Guia para la esposa perfecta » ; « guide de l’épouse parfaite », il s’agit certes de publication sous l’Espagne franquiste, mais la collaboration de l’Eglise y a été tellement massive que l’Eglise universelle en est comptable. Quelques perles : « Si ton mari propose un rapport, accepte avec humilité, sans jamais oublier que sa satisfaction est plus importante que celle d’une femme » ; ou « Si ton mari te propose un pratique sexuelle inhabituelle, soit obéissante et ne te plains pas. » http://www.mdzol.com/nota/253201/



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