mercredi 13 avril 2011

Une plus forte réglementation de l'exploitation des lieux de prostitution

Voici une traduction de la résolution du Bundesrat (chambre des länder allemands), qui constatant les effets de l'application de la loi de 2002 sur la prostitution, laquelle décriminalisait le proxénétisme, appelle à une plus forte réglementation du fonctionnement des lieux de prostitution.
Le texte original est à télécharger ici.


"Résolution du Bundesrat – Une plus forte réglementation de l’exploitation (Betrieb) des lieux de prostitution.

21 mai 2010

I. Le Bundesrat constate :

Que de nos jours la prostitution n’est plus socialement considérée comme immorale. La jurisprudence a pris en compte cette évolution et établi dans ses nouvelles décisions normatives que l’utilisation commerciale de besoins et intérêts sexuels ne contrevient pas aux bonnes mœurs (… liste de la jurisprudence…). Cette évolution a été aussi suivi par la loi (loi de la prostitution, 2002).

Que la nécessaire réduction des possibilités d’intervention de la police et des services d'ordre qui a suivi la légalisation de la prostitution ne couvre pas pour les prostitués les dangers inacceptables pour leur vie, leur santé et leur intégrité physique et psychique. De plus, elle est à l’origine d’un plus grand risque de dépendance économique vis-à-vis des tenanciers de bordel et des proxénètes. Le règlement de base existant pour la police et les services d’ordre ne suffit pas pour protéger contre un traitement humainement indigne, ni pour mener une prévention effective, ou même des actions de répression contre la traite, la prostitution forcée et le travail au noir dans le milieu proxénète (Rotlichtmilieu, litt. "milieu de la lumière rouge »). Il existe toujours une continuité dans les tendances structurelle de pouvoir entre proxénètes et gestionnaires de bordel d’une part et prostitués d’autre part. Ce qui limite l’apparition de prix du marché convenable comme de conditions de travail supportables.

Dans son rapport sur les effets de la loi sur la prostitution, le gouvernement fédéral en est arrivé à la conclusion que ses objectifs, parmi lesquels l’amélioration des conditions de travail et la diminution de la criminalité associée, n’ont été atteint que très partiellement (rapport de 2007). C’est pourquoi le gouvernement a besoin d’une large évaluation de la réglementation de la prostitution, en particulier ses conséquences sur la lutte contre la traite, la prostitution des mineurs, et la protection possible des prostitués contre la violence et l’exploitation.En raison de l’opacité et l'organisation parallèle du milieu prostitutionnel, il est très difficile d’estimer l’importance de la fraude en terme d’impôt non déclaré et de contrat d’assurance sociale non souscrit. Au moment de la rédaction de la loi sur la prostitution l’évaluation retenue comptait sur des profits annuels de l’ordre de plusieurs dizaines de milliard. (« des milliards à deux chiffres »)

II. Le Bundesrat demande au gouvernement fédéral :

Une réglementation légale pour le domaine de la prostitution avec le contenu suivant :

1) Une obligation d’autorisation pour les lieux de prostitution

Les lieux de prostitution nécessitent une autorisation avant leur ouverture. Elle peut être différenciée selon le type d’entreprise, assortie de délai et de conditions. Elle est à refuser si on peut craindre que le concept d’entreprise nuira gravement à la jeunesse, à l’ordre public ou à l’environnement (sic) (par exemple les tarifs en « libre accès » _flate rate) ou bien si le requérant est fiché pour un délit lié au milieu. L’autorisation a comme conséquence un droit de renseignement et d’observation pour la police et les services d’ordre. Elle définit des exigences minimales d'hygiène et de sécurité. Un lieu de prostitution sans autorisation doit être fermé.

2) Une obligation d’inscription (Meldepficht)

Les lieux de prostitution sont soumis à une obligation de déclaration étroite. Le tenancier doit, auprès de l'administration responsable:

- déclarer immédiatement le changement de la personne représentante habilitée.

- inscrire dès le jour de la prise d'emploi les données nécessaires de toutes les personnes en activité, y compris dans des domaines annexes, pour éviter les possibilités d'évitement [prostitution cachée sous l'intitulé « massage », « danse », etc.].

- communiquer la fin d'activité, dans un délai d'une semaine, avec des informations sans lacune et à jour, et présenter tout contrat établi avec le prostitué (contrat d'activité [au sens strict, la prostitution n'est pas _ encore? _ considérée comme un travail], contrat de location, accord supplémentaire, etc.)

De plus, les prostitués active dans un lieu de prostitution gérée doivent déclarer leur activité, et, sur demande, être en mesure de produire les preuves correspondantes.

3) Prévention pour les maladies sexuellement transmissibles.

Le gérant doit indiquer l'obligation [d'utiliser] des préservatifs de manière visible. Il n'a pas le droit de permettre des rapports sexuels non protégés.

4) Des possibilités de sanction

Les gérants de lieux de prostitution sans autorisation, ainsi que toute infraction aux obligations décrites dans les points 1 à 3 sont réprimés par une amende. Ils peuvent s'attirer des obligations supplémentaires et, dans les cas de récidive, jusqu'à perdre leur autorisation d'exploitation ou être sanctionné pénalement.

5) La présomption de dépendance dans l’activité et une clarification du droit d’injonction.

Il est supposé a priori qu'une personne qui apporte un service sexuel dans des lieux de prostitution est dépendante. L'assurance de retraite allemande constate donc positivement qu'il n'y a pas d'obligation de sécurité sociale. Ce qui implique que les lois de la sécurité sociale et de la protection du travail s'appliquent, que les services de police peuvent conserver des renseignements et effectuer des contrôles et que l'impôt sur le salaire est prélevé.

Il est aussi à considérer que la forte exigence pour la démonstration d'une activité autonome peut avoir des suites non voulues que les prostitués qui veulent travailler de manière indépendante évitent les lieux de prostitution ou [retournent] sur le trottoir.

La restriction du droit d'instruction du gérant de lieu de prostitution, réglementé par le paragraphe 3 de la loi sur la prostitution, est précisé par un renforcement de la liberté d'instruction et la prévention de la dépendance économique et personnelle des prostitués.

6) Une modification du droit de la jeunesse

Une interdiction de la présence de mineurs dans les lieux de prostitution est introduite dans la loi sur la jeunesse.

7) Une modification de la loi du registre fédéral paragraphe 41, alinéa 1 de la loi sur le registre fédéral central est complété comme suit: que pour une procédure d'autorisation d'un lieu de prostitution les autorités compétentes sont obtiennent un accès illimité sur les entrées des requérants."


Je vous invite à comparer ces mesures avec celles proposées en France le 13 avril 2011 par la mission d'information du parlement sur la prostitution.

lundi 4 avril 2011

de nos aspirations et de nos limites

En réponse à "lekingdecanapé" dans le forum suite à l'article "lutter contre la prostitution en luttant contre les clients".

@ lekingducanapé je m'invite dans votre dialogue avec abolitionniste34. Parce que je m'identifie à son combat contre la prostitution, notamment à son refus du rôle donné aux hommes dans ce système. Et parce que je suis trés touché par ce que vous nous demandez: "que proposez vous?"

Je pense que nous sommes d'accord pour reconnaître que personne ici ne regarde l'autre de haut, pas d'arrogance. Plutôt nous sommes chacun des hommes dont les interrogations et les révoltes procèdent de leurs vécus intimes. Il n'est donc pas question de traiter les uns de "pol pot en puissance" ou de catégoriser les autres parcequ'ils auraient "mauvais fond". Le vecu d'abolitionniste34, si je remonte un peu les échanges de ce forum, c'est d'avoir été client prostitueur dans sa jeunesse, et de s'être rendu compte que cet acte n'avait rien à voir à de la sexualité, il s'agissait de violence perpetrée sur le corps d'autrui. Depuis, dans un combat qui est aussi le mien, il cherche à manifester son humanité aux personnes prostituées (il ne s'agit cependant pas de les sauver malgrè elles...) et il cherche à éviter aux jeunes de se laisser entraînner dans cette forme de violence, égarés qu'ils peuvent être par les mêmes mensonges qui l'ont conduit à être lui même client: fausse virilité, fascination pour l'acte sexuel plutôt que pour la relation qu'il suppose, supposée licence qu'autoriserait l'argent...
De la part de lekingducanapé, j'entends (mais ne peux comprendre entièrement) la souffrance de son handicap. Dans le domaine de la sexualité, une difficulté pour rencontrer un certain type de femme, une aspiration à de la tendresse, du contact physique, et certainement plus. J'essaie de reformuler. Je me trompe sûrement.

Je pense que nous vivons tous ce genre de limites dans notre sexualité. Bien évidemment, ce à quoi vous êtes confronté est sans commune mesure avec nos "petites" difficultés à rencontrer un-e partenaire, à faire la part dans nos fantasmes de ce qui relèvent d'une volonté de control de l'autre et de soi, et ce qui relèvent d'un abandon à l'inconnu en l'autre et en soi... ... faire la part entre la violence qui nous habite tous et le jeu de la relation qui nous fait grandir à plus d'humanité. Ce dissernement doit non seulement s'opérer sur des aspirations qui nous habitent, mais aussi s'affronter aux modèles qui nous entourent: les images, les modes, les moeurs... Je ne veux pas prendre une posture moralisatrice. A chacun de juger le mieux pour sa propre vie. Mais je ne suis pas indifferent à autrui. Je me permets donc, ici comme ailleurs dans mon engagement militant, de proposer un dialogue pour trouver ensemble un bien commun.

Que proposer alors? D'abord je propose un avis: quand il y a de l'argent dans un rapport sexuel, il n'y a plus réciprocité, donc on perd ce qui fait l'essence de la sexualité humaine. Pour la personne prostituée comme pour le prostitueur. Ce n'est plus du "sexe", c'est une violence. Un avis que je souhaite devenir normatif, donc devenir loi: la pénalisation des clients. Ce n'est pas le lieu ici de discuter en plus des questions de l'application des lois en général, dont celle-ci un particulier. Juste pour indication, je suis opposé à toute logique bêtement répressive. On peut faire appliquer cette loi efficacement sans pour autant en appeller à une logique inquisitoriale typique d'un etat repressif. L'application suédoise de la loi me semble d'ailleurs exemplairement débonnaire, et d'ailleurs efficace (aussi parce qu'elle était incluse dans un ensemble cohérent de lois pour "la paix des femmes"). A propos de loi et en aparté, la répression du racolage que cite madame Bachelot comme "abolitionniste" est justement tout son contraire puisqu'elle pénalise les personnes prostituées. Je milite pour son abrogation.

Ce que je propose encore? je suis d'accord avec l'aspiration que je vous suppose: une aspiration à une sexualité pleinement humaine. Vous y avez droit, vous la méritez. Non pas malgré votre handicap, mais avec toute votre personalité, dont votre handicap. Belles paroles? Facile à dire? Oui. Mais déjà de le dire, et de le penser sincérement, de vous le souhaiter...

Et puis? J'ose encore essayer de proposer une société possible où il vous serait plus facile de rencontrer un-e partenaire. Une société où les personnes qui vous regarderaient avec bienveillance seraient la majorité, oú votre handicap ne représenterait pas plus une restricition à l'idée d'initier avec vous une relation que le port de lunette ou un accent étranger... Et même n'y ferait pas obstacle votre longévité que la médecine vous prédit plus courte (peut-être? - j'ose ¿indécemment? faire des hypothèse sur votre handicap).

Comment pouvons-nous aboutir á une telle société? D'abord je pense qu'elle est a priori possible. Pour y arriver? Peut être cela aiderait que nous grandissions dans les mêmes écoles? Non pas lacher comme les fauves impitoyables que peuvent être les enfants. Mais encadrer par des équipes enseignantes suffisantes (l'expérience a été tenté en Espagne, ma belle-mére justement a été psychologue dans une telle école... jusqu'à ce que le gouvernement conservateur provincial supprime ces postes...)

Peut-être appliqué avec plus de volontarisme les postes qui vous sont reservés dans les entreprises, plutôt qu'elles s'en dédouannent en payant tribu. Ce qui aurait aussi l'avantage pour nous tous, prétendument valide, d'obliger les entreprises à être des lieux de production humaine plutôt que des lieux d'exploitation déshumanisant...

Peut-être en amplifiant la solidarité que vous méritez de la part de la collectivité pour mettre en place toutes les structures nécessaires pour compenser votre handicap. Ce qui aurait pour effet aussi de soulager vos familles (et donc de vous laisser plus d'intimité), et d'éviter que la perspective de partager votre existence paraisse un cauchemar de détails matériels.

Et peut-être enfin en refusant de "résoudre" le "problème" que pose votre juste aspiration à la tendresse, aux relations humaines de tout ordre, à la sensualité et à la sexualité en y répondant par la mise à disposition d'un "service sexuel" qui, dans les termes, est la négation de ce à quoi vous aspirez (à mon avis, certes). Mais qui surtout évite à tout un chacun de se poser toutes les autres questions de votre place pleine et entière dans la communauté humaine, dans le réseau social des amitiés (et des inimitiés! _ je veux bien être pour vous l'un ou l'autre!), dans le travail productif, dans la création artisitique et scientifique, dans la jouissance reciproque et respectueuse de nos corps sexués...

PS: Ce texte a été supprimé une fois du forum de rmc, bien qu'il soit resté suffisamment longtemps pour susciter une réponse plutôt positive de la part de "lekingducanapé". Celle-ci d'ailleurs n'a pas été supprimé, ce qui a donné la situation assez étrange d'une réponse à un "PhiG" dont on ne trouve nul trace ailleurs dans le forum. Ce texte a été re-posté deux jours plus tard, et il est jusqu'à présent toujours publié, mais après la réponse qui devrait le suivre!
La version présente présente une orthographe sérieusement améliorée.