lundi 3 juin 2019

Proposition pour un processus de désignation du-de la candidat-e insoumis-e à l'élection présidentielle 2022.

Je propose ici un processus pour éviter des luttes de personnes mortifères mais à même de désigner un-e candidat-e qui incarne un projet politique collectif tel que celui de la France Insoumise.

Résumé du processus :
  • étape 1 : définir collectivement une « fiche de poste » à contenu politique qui décrit ce que l'on attend d'un candidat à la présidentielle ;
  • étape 2 : sélectionner entre 5 et 8 personnes qui correspondent à cette fiche de poste
  • étape 3 : faire valider par vote le groupe de candidats potentiels
  • étape 4 : tirer au sort parmi les candidat-e-s potentiel-le-s qui sera effectivement candidat-e à la présidentielle

Les élections présidentielles en 5° République sont quasiment le seul moment où on peut réellement prendre le pouvoir pour changer à la fois les équilibres économiques de la société et les institutions qui organisent la démocratie.
La France Insoumise a pour objectif politique de convoquer une assemblée constituante dès que possible, donc le plus probablement après avoir remporté cette élection-là.
Nous sommes face à une difficulté dans la désignation du – de la candidat-e pour cette élection. D'une part nous nous méfions collectivement de toute personnalisation excessive du débat politique.
D'autre part le cadre imposé par l'élection présidentielle oblige à mettre en avant une personnalité forte.

L'élection présidentielle 2017 a été l'occasion de construire le mouvement de la France Insoumise autour de la candidature de Jean-Luc Mélenchon. Le contenu politique de cette candidature était essentiellement le refus de la primaire à gauche, qui aurait vraisemblablement piégé les partisans d'une gauche radicale dans le soutien d'un candidat ultralibéral, du genre Clinton. Le second geste de la France Insoumise a été d'écrire collectivement un programme, l'Avenir en Commun, qui représente son identité, plus que tel ou tel personnage.
Aujourd'hui, au lendemain des élections européennes, beaucoup d'insoumis autour de moi souhaitent que Jean-Luc Mélenchon ne soit pas candidat aux prochaines élections présidentielles. Il est important de bien contextualiser un tel souhait. Il ne s'agit pas de remettre en cause la personne. Au contraire, il s'agit d'avoir bien conscience que parmi nous, la première personne que nous mettrons en avant sera autant diabolisé par le système. Il ne s'agit pas non plus de remettre en cause la stratégie qui a permis de rassembler 7 millions d'électeurs. Au contraire, il s'agirait d'y retourner franchement : rassembler le peuple autour d'un programme enthousiasmant, à la hauteur des enjeux de notre temps, plutôt que de réunir les organisations politiques qui sont responsables de la désillusion collective quant au mot « Gauche ».

Mais si on décide de présenter un-e autre candidat-e aux élections présidentielles, nous risquons de passer des mois et des mois à nous écharper pour telle ou telle figure. Pire encore, ce ne seront pas forcément les personnalités qui correspondent le mieux à nos attentes communes qui émergeront d'un tel processus conflictuel. Nous avons plus de chance de laisser ainsi émerger des personnes qui ont une haute idée d'elles mêmes, et surtout qui sont persuadées d'être les seules capables d'être candidates. Elles seront soutenues par des réseaux de militants qui penseront aussi que seul « leur.e candidat.e » peut représenter la FI et l'AEC. Si ce n'est pas lui-elle qui est finalement désigné-e, il en restera pour longtemps de la rancoeur qui pourrira la campagne elle-même et ses suites. Enfin un tel processus sélectionnera de fait des personnes qui auront l'intelligence d'intriguer pour se faire désigner, et pour décrédibiliser discrétement leurs concurrents. Pas des personnalités dont le moteur essentiel est d'être au service de la cause, car elles préféreront se mettre en retrait plutôt que d'approfondir les conflits autour d'elles. Or c'est, à mon avis, ce dernier profil dont nous avons le plus besoin.

C'est pourquoi je propose un processus de désignation qui désamorce les manœuvres pour rendre incountournable une peronnalité, mais qui recentre le travail de désignation sur des questions politiques : quel-le candidat-e ayant les meilleures compétences pour quelles tâches politiques ?


Explications détaillées pour chaque étape :
  • Étape 1 : définir collectivement une « fiche de poste » à contenu politique.
Il s'agit de se poser la question au sein de la France Insoumise : qui voulons-nous présenter à nos concitoyens comme le-a président-e de la République qui convoquera l'Assemblée constituante, et qui appliquera les premières mesures prioritaires de l'Avenir en Commun ? En présentant une personne pour une telle mission, nous prenons une énorme responsabilité collective. Il est donc absolument dérisoire de perdre du temps à discuter tel ou tel aspect de la personnalité d'un tel. Il s'agit de définir ensemble a priori quelles sont les compétences nécessaires.

Parmi les éléments à prendre en compte, le fait que le président de la République disposera de l'arme nucléaire est majeur pour définir ce qu'on attend de nos candidats potentiels. Ensuite, il faut aussi prendre en compte qu'une France présidée par un-e insoumis-e sera confrontée à une hostilité internationale énorme. Il s'agit donc de choisir quelqu'un qui à la fois a une bonne connaissance des enjeux géopolitiques, et qui a un caractère suffisamment trempé pour ne pas fléchir ou paniquer au moment des décisions cruciales à prendre.
Enfin, troisième enjeu à prendre en compte, la quasi-irresponsabilité institutionnelle du ou de la Président.e dans la 5° République. Il s'agit donc de présenter des personnes en qui nous pouvons avoir confiance pour appliquer le programme sur lequel il.elle.s se sont engagé.es, à commencer par convoquer une assemblée constituante.


  • étape 2 : sélectionner entre 5 et 8 personnes qui correspondent à cette fiche de poste
Cette tâche pourrait être confiée au comité électoral de la France Insoumise. Il pourrait procéder comme il l'a fait pour les Européennes : recueillir des candidatures à la candidature émises parmi les insoumis ; pré-sélectionner un certain nombre d'entre elles qui semblent correspondre à la fiche de poste ; interviewer les candidat.es pré-sélectionné.es et n'en retenir qu'entre 5 et 8, à parité. Il n'aurait pas à ordonnancer.
On pourrait exiger des candidats à la candidature qu'ils.elles s'engagent à faire campagne pour la.le candidat.e finallement choisi même s'ils ne sont pas retenus.
Comme pour la constitution de la liste pour les Européennes, une première publication du groupe de candidats potentiels pourrait être faite, afin que chaque insoumis puisse s'exprimer pour indiquer si telle ou telle personne manque manifestement au groupe, ou bien si tel.le ou tel.le candidat.e potentiel.e présente des incompatibiltés majeures par rapport à la fiche de poste.

  • étape 3 : faire valider par vote le groupe de candidats potentiels
Une fois le groupe de candidat.es potentiel.les relu et critiqué par l'ensemble des insoumis.es, un vote des insoumis.es validera que la majorité dans le mouvement est d'accord pour considérer que n'importe lequel-laquelle des candidat-es potentiel-les mérite de représenter la France Insoumise, son programme et sa stratégie aux élections présidentielles.
Chaque candidat-e potentiel-le s'engage également à faire campagne quelque soit le résultat du tirage au sort.

  • étape 4 : tirer au sort parmi les candidats potentiels qui sera effectivement candidat à la présidentielle
Le tirage au sort parmi les candidat-e potentiel-le permet d'éviter que le choix parmi des personnes d'égale qualité politique ne se fasse par le conflit, la dépréciation de l'autre, l'identification d'une partie des insoumis à tel.le ou tel.le…


Ce processus a donc comme premier objectif d'éviter non seulement les conflits stérils dans la désignation du ou de la candidat.e, mais surtout de faire en sorte que le choix du ou de la candidat.e repose uniquement sur des critères politiques.


Il me semble que ce processus aurait des effets vertueux à plusieurs titres. De manière générale, qu'il participerait à une maturation de la conscience politique en France. Or une telle maturité est ce dont nous avons le plus besoin pour envisager une 6° République.
Du point de vue des candidats à la candidature, ce processus obligera à s'y projeter non pas en pensant être la personne providentielle, comme si quelqu'un pouvait être prédestiné à un tel rôle, mais en considérant que cette candidature fait partie du service rendu au mouvement, comme toute autre tâche militante. Chacun choisissant et se voyant confier une tâche selon sa disponibilité, ses compétences et la reconnaissance du collectif, être candidat releverait de la même logique : est-on disponible, compétent et reconnu pour pouvoir être candidat. S'il y en a qu'un-e, ce sera celui-celle-là. S'il y en a plusieurs, ce sera l'un-e d'entre eux-elles. Chacun est évidemment différent, mais chacun peut tout aussi bien remplir le rôle.
Du point de vue des militants actifs de la France Insoumise, il s'agit de cesser définitivement de faire de la politique comme s'il s'agissait d'une compétition entre fans-clubs. L'enjeu n'est pas quelle personne sera candidate. Personne ne sera jamais parfait en tout point, mais en même temps nous avons besoin de personnes pour incarner nos idées. L'enjeu, c'est le projet politique que nous défendons. Il est évidemment nécessaire que les personnes que nous mettons en avant ne contredisent pas ce projet. Mais nous avons parmie nous suffisamment de personnes dévouées et compétentes dont la vie et les luttes sont en profonde cohérence avec notre projet.
Auprès de nos concitoyens à qui nous présenterions dans un premier temps un groupe de candidats potentiels, dont chacun-e est là pour le projet politique, dont chacun-e est prêt-e à faire la campagne d'un-e des autres avec la même intensité que s'il-elle était lui-elle-même tiré-e au sort, une telle démarche éléverait fortement le niveau de crédibilité de notre mouvement. Nous ne serions définitivement plus « comme les autres ». Nous obligerions nos concitoyens à considérer ces candidats potentiels en fonction de leur point commun : notre projet politique, plutôt qu'en fonction de leurs inévitables imperfections individuelles.
Face au système médiatique enfin, qui n'aura de cesse de discréditer notre prochain candidat et qui n'a jamais rendu compte de la nouveauté politique que représente la France Insoumise, cela permettra à la fois de rendre vaine toutes les manœuvres de diabolisation. D'autant plus si le groupe de candidat-e potentiel-le réunit des personnalités superficiellement très variées, et par le fait que chacun fait confiance aux autres pour être candidat à sa place, tout pinaillage sur un trait de caractère de l'un-e ou de l'autre sera juste ridicule. Cela rendra aussi manifeste, incontournable la nouveauté des pratiques politiques de la France Insoumise.

Voici la proposition, argumentée. Merci de laisser des commentaires pour améliorer, ou critiquer l'idée.

Philippe Gastrein
Cahors, 3 juin 2019