mercredi 8 mai 2013

La théorie du genre expliquée à mon père.

En réponse à une pétition demandant de retirer l'enseignement de notions de la théorie du genre à l'école, car la théorie du genre "nie[rait] l'altérité et la différence des sexes". 

A propos de la théorie du genre, je suis très content qu'elle soit enfin introduite dans les programmes de l'éducation nationale. Il faudrait aller beaucoup plus loin, pour une éducation à une sexualité respectueuse et égalitaire, comme en Suède.
On pourrait discuter des détails deS théorieS du genre (car il y en a plusieurs), et je peux comprendre qu'on y soit opposé, ou que cela gêne. Encore faudrait-il ne pas prêter aux théories du genre des thèses qu'elles n'ont jamais soutenu. Dire que la théorie du genre nierait l'altérité et la différence des sexes est aussi bête que de dire que la théorie de Newton est la cause de la chute des pommes. Parler de genre, c'est évidemment reconnaître qu'il existe un genre. Nous faisons la distinction entre le sexe, qui relève du biologique, et le genre, qui relève du culturel. Ce faisant, nous ouvrons le champs des libertés de chaque personalité. Bien entendu que le genre fait partie de l'identité de chacun. Nous sommes notre corps. Mais nous habitons notre corps, et dans les jeux possibles que nous donnons à nos corps se situent nos libertés. Ce que nous nommons "culture patriarcale" donne trop d'importance à la différence des sexes. Les rôles de chaque individu dans une société patriarcale sont essentiellement determinés par son sexe. Or ce qui me caractérise, c'est certes mon sexe, mais aussi bien d'autres dimensions de ma biologie, comme de mon histoire. L'histoire évolutive de notre espèce ne se caractérise-t-elle pas par l'encéphalisation de plus en plus poussée, c'est à dire des capacités cognitives toujours plus grandes, que les arcs réflexes determinent de moins en moins? On pourrait lire notre histoire évolutive, l'humanisation, comme l'histoire d'une libération progressive vis à vis du biologique "sympathique", c'est à dire des systèmes biologiques automatiques, pour développer toujours plus les possibilités qu'offrent une conscience de soi (ce qui reste biologique puisque notre conscience procède d'un substrat biologique, mais du biologique autodeterminant).

 Pour faire une disgression qui sort du champs strict des théories du genre (et ce que je te présente relève déjà d'une théorie du genre parmi d'autres, en lien avec la biologie évolutionniste. Pour mention, il existe des formes plus sociologiques de la théorie du genre), on pourrait placer l'humanité à une troisiéme étape de la libération de la matière. La vie a engagé la première étape: l'autoréplication de l'ADN libère de la dégradation de l'information causée fatalement par la seconde loi de la thermodynamique. L'encéphalisation, puis l'émergence de la conscience permet dans une deuxième étape le développement de comportements complexes qui ne relèvent pas d'automatismes réflexes prédeterminés génétiquement. Nous sommes à l'orée d'une troisième libération vis-à-vis de la matière: vite résumée, donner la conscience non plus à l'échelle d'un organisme, mais à celle de la biosphère. Dans la perspective de la théologie de Teilhard de Chardin, il s'agit de donner une conscience à l'Univers. Cette troisième libération procède de la complexification progressive de notre culture. Elle se développe dans trois directions: une direction temporelle, une direction sociale et une direction individuelle. Au niveau temporelle, c'est une forme d'imortalité des idées qui a commencé dès l'invention de l'écriture, et peut être avant, avec la mise en place de tradition orale, de rites, du langage parler en somme. La dimension sociale me parait être le plus grand défi du moment historique que nous traversons, et justifife mon engagement politique. Il s'agit de trouver un mode de conscience collective où l'humanité cesse définitivement d'agir comme un groupe prédateur, mais comme un élément conscient et planificateur de son écosystème. Ce processus évidemment a commencé dès la transition néolithique. Mais à bien considérer les choses, l'ultralibéralisme relève d'une régression dangereuse de ce point de vue. Enfin la dimension individuelle relève de la transition la plus délicate pour accomplir cette troisième libération. Nous pourrions aboutir à la fin du processus à une forme de vie de type fourmi. Nous aurions alors échoué la troisième libération de la matière. Le niveau de l'espèce où s'exprime entièrement toute la liberté potentielle, c'est la personne de chaque individu.

L'état patriarcal de l'évolution de nos sociétés conservent l'archaïsme de réduire chaque individualité à son sexe. Je répète, le critiquer ne revient pas à nier le sexe de chacun. Les dispositifs que nous avons inventer pour voler ne nient ni la loi de la gravité ni notre constitution physique qui nous fait plus lourd que l'air. Pour autant il est possible à l'humain de voler. Les potentialités qu'une femme peut accomplir dans une vie sont quasiment aussi nombreuses que que celle d'un homme, et vice versa. La société patriarcale interdit, de manière coercitive violente souvent, par conditionnement culturel sinon, aux femmes de vivre ce qui est permit aux hommes, et vice versa. C'est cela que la théorie du genre dénnonce, et c'est cela que le féminisme entend changer. Il ne s'agit pas de transformer les hommes en femmes. La solidarité dans une société libère chacun des faiblesses de sa constitution physique ou mentale. Donner la liberté à chacun d'explorer et de développer ses potentialités, cela n'a rien à voir avec la négation des caractéristiques propres de chacun, en terme de constitution physique ou de personalité psychologique. Il ne s'agit pas d'obliger les uns les autres à devenir ce qu'ils ne sont pas, encore moins ce qu'ils ne peuvent pas devenir du fait de leurs limites. L'apprentissage d'une langue induit des plasticités cérébrales, le cerveau change. Cela suppose aussi des dispositions, une oreille musicale, etc. Quand on décide d'apprendre des langues à tout les enfants, certains y seront doués, et en profiteront pour s'épanouir dans des métiers polyglotes; d'autres auront toujours de la peine à communiquer dans une autre langue. Il y a bien assez de métier où la maîtrise des langues n'est pas essentielle pour leur permettre de s'épanouir. De même, la pratique d'un sport transfome le corps de celui qui le pratique. Les muscles se renforcent, les tendons et les os se solidifient, jusqu'au cerveau où certaines aires cérébrales se développent préférentiellement. Là aussi, quand on propose à tous les enfants de découvrir une large palette de sport, il ne s'agit pas d'obliger chacun à développer le même système musculaire, et de développer les mêmes agilités. Il s'agit de la même chose quand nous introduisons les jeunes aux différences de genre, et à la liberté qu'ils ont à l'intérieur de leur corps sexué. Nous n'avons pas l'intention d'obliger les garçons a être maternant s'ils deviennent pères, ou d'interdire les filles à devenir mère. Nous leur indiquons qu'ils et elles sont libres de choisir dans une palette de possibles.

Comme j'espère te l'avoir montré, la théorie du genre est une forme de libération. Libre à toi de penser ce qui te parait juste. Libre à toi de signer ce qui te semble correct. Néanmoins il y a des affirmations qui sont fausses. Si ton opposition à la théorie du genre venait du fait que celle-ci nierait la différence, une telle réaction était justifiée à mon avis aussi car il s'agirait d'une violence, mais elle est infondée. La théorie du genre est une ouverture à l'altérité. Elle donne accès aux multiples altérités qui traversent le genre humain, sans se restreindre à la seule différence des sexes, qui en est une parmi d'autres, peut être la plus profonde.

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