"En croisant des données historiques, archéologiques, anthropologiques et juridiques, je propose de développer le raisonnement suivant:
- la prostitution n'a pas existé pendant sept millions d'années.
- la prostitution est apparue en Indo-Europe à la fin du néolithique, à la charnière des sociétés communautaires et des sociétés dites sociétales - celle de la contractualisation.
- la prostitution des femmes et des hommes apparaît, en même temps que la misère et la guerre, avec l'autorisation d'accumuler, le délitement du groupe, l'adoption de la loi écrite comme garante des engagements décidés par l'aïeul pour la transmission des liens et des biens.
J'avance l'idée que la jeunesse sera alors mise au strict service des intérêts des anciens. Et que les plus faibles socialement garçons et filles, devront payer de leur corps au sens propre du terme ce que ni l'argent ni le droit ne leur accorde: être protégé, nourri, abrité de la pluie, du froid, des coups, des risques, de la fatigue, de la maladie, de la faim, de l'isolement, de la bêtise, de la misère...
A l'armée, dans les tranchées, dans les galères, dans les champs de coton et dans les mines, au travail, comme au bordel, comme à l'asile ou en prison, les pauvres, les malheureux, les plus faibles et les rebelles vont payer mille fois de leur corps le droit de respirer et d'espérer. Car c'est bien dans le corps physique, au sens de la chair, des muscles, du sang, de la peau, de la sueur que s'inscrivent la douleur et la honte d'être du côté des faibles.
Il ne reste aux faibles et aux pauvres que la force, le sexe et la séduction pour organiser leur survie quand le droit ou la conscience sociale ne la leur garantit pas. La logique des atouts physiques respectifs des hommes et des femmes va conduire plus facilement les hommes vers la guerre, alors que les femmes deviendront expertes en sexe et séduction.
L'hypothèse que je développe est donc que la prostitution a été le mode de contribution du corps des femmes à l'enrichissement des Etats et des puissants, chair à pigeon... Pendant que la guerre a été le mode de contribution du corps des hommes à ce même enrichissement, chair à canon...
Mais droit civil et droit pénal vont conduire naturellement les personnes prostituées ) l'exclusion sociale, affective et morale alors qu'il sera valeureux de donner son corps pour la patrie. Ainsi, le sort des femmes, faibles et vénales, se trouve opposé à celui des hommes, solides et courageux!
La récente suppression du service militaire en France comme les funérailles nationales pour deux premiers casques bleus qui ont trouvé la mort en ex-Yougoslavie indiquent que la patrie ne peut plus si facilement exiger le sacrifice des vies du peuple, même celle de ses soldats engagés. Et qu'un Etat ne peut plus demander aux parents d'élever un fils pour le voir mourir aux champ d'honneur. Ainsi, le discours sur la nécessité de la guerre recule. Qu'en est-il alors de la prostitution.
Pourtant, si nous souhaitons la paix, seul contexte vivable en famille comme en société, il nous faudra bien un jour miser une réelle alliance des hommes et des femmes. Pour cela, il serait temps peut-être, que les hommes mettent toute leur force et leur courage à refuser d'aller faire la guerre et à refuser d'aller aux putes.
"Cette humanité qui a mûri la femme dans la douleur et dans l'humiliation verra le jour quand la femme aura fait tomber les chaînes de sa condition sociale. Et les hommes qui ne sentent pas venir ce jour seront surpris et vaincus." Rainer Maria Rilke - lettre à un jeune poète- 14/05/1904.